14 Septembre 2016
"Ce monde caché qu'habitent les adolescents, se contentant de faire surface quand ils n'ont pas le choix, pour habituer leurs parents à leur éloignement. J'avais déjà disparu".
Nord de la Californie, fin des années 1960. Evie Boyd, quatorze ans, vit seule avec sa mère. Fille unique et mal dans sa peau, elle n'a que Connie, son amie d'enfance. Lorsqu'une dispute les sépare au début de l'été, Evie se tourne vers un groupe de filles dont la liberté, les tenues débraillées et l'atmosphère d'abandon qui les entoure la fascinent. Elle tombe sous la coupe de Suzanne, l'aînée de cette bande, et se laisse entraîner dans le cercle d'une secte et de son leader charismatique, Russell. Caché dans les collines, leur ranch est aussi étrange que délabré, mais, aux yeux de l'adolescente, il est exotique, électrique, et elle veut à tout prix s'y faire accepter. Tandis qu'elle passe de moins en moins de temps chez sa mère et que son obsession pour Suzanne va grandissant, Evie ne s'aperçoit pas qu'elle s'approche inéluctablement d'une violence impensable.
C'est sans doute ma faute. Mea Culpa. Quand j'ai lu un peu partout que ce roman était librement inspiré de "l'affaire Charles Manson", j'avais déjà un scénario et plein d'images en tête. Grossière erreur. Frustration. Le gourou charismatique et sa bande de dégénérés du bulbe (j'ai piqué l'expression à ma copine Cajou, découvrez ici son billet) sont en périphérie de l'histoire, on les devine derrière Russell, derrière Suzanne, derrière the girls, derrière la scène quasi-finale, évidemment, mais ils ne sont presque qu'un prétexte, en fait (dites-le un peu cinq fois d'affilée très vite, pour voir?). Un prétexte à un roman sur le mal-être adolescent durant cette période qui a marqué l'Amérique. Sexe, drogues et rock and roll. Perversion. Manipulation. Et cette dévorante envie d'exister qui consomme Evie. Pauvre Evie. Pauvres filles. Le monde les engraisse avec des promesses d'amour. Elles en ont terriblement besoin et la plupart d'entre elles en auront si peu. Tout est là, tout part de là. Dans une ambiance qui n'est pas sans rappeler
Evie se laisse embarquer, elle a envie de croire que le ranch peut être sa maison, et the girls sa famille. On n'est pas sérieux quand on a quatorze ans, On se laisse griser./ La sève est du champagne et vous monte à la tête... / On divague ; on se sent aux lèvres un baiser / Qui palpite là, comme une petite bête... Le malaise est partout, et le Mal jamais bien loin.
L'écriture d'Emma Cline est aussi éthérée que l'est l'ambiance générale, c'est joli, mais j'avoue être restée un peu en dehors de cette (pseudo) poésie, sans doute parce que j'ai trouvé un peu forcée et inutile la narration alternant entre passé et présent, et que je me suis moi aussi égarée en chemin.
Il n'en reste pas moins que The girls est un premier roman réussi, culotté et glauque, un roman très visuel aussi, comme en témoigne ce très beau teaser.