La Fée Lit

"Quand je pense à tous les livres qu'il me reste à lire, j'ai la certitude d'être encore heureux" (Jules Renard)

"Les larmes noires sur la terre", Sandrine Collette

"C'est comme lire un livre ou aller au cinéma : après il faut reprendre pied. On peut bien se couper du monde le temps d'une image ou d'une histoire, raconter mille fois le passé, le ressasser, le triturer dans tous les sens ; au bout du compte, il n'y a rien de pire que le présent."

Il a suffi d'une fois. Une seule mauvaise décision, partir, suivre un homme à Paris. Moe n'avait que vingt ans. Six ans après, hagarde, épuisée, avec pour unique trésor un nourrisson qui l'accroche à la vie, elle est amenée de force dans un centre d'accueil pour déshérités, surnommé "la Casse". La Casse, c'est une ville de miséreux logés dans des carcasses de voitures brisées et posées sur cales, des rues entières bordées d'automobiles embouties. Chaque épave est attribuée à une personne. Pour Moe, ce sera une 306 grise. Plus de sièges arrière, deux couvertures, et voilà leur logement, à elle et au petit. Un désespoir. Et puis, au milieu de l'effondrement de sa vie, un coup de chance, enfin : dans sa ruelle, cinq femmes s'épaulent pour affronter ensemble la noirceur du quartier...

(quand je galère à trouver les mots...)

Une claque monumentale, aussi inattendue que violente. Quand j'ai refermé le livre hier soir, j'étais à bout de souffle, littéralement, tant j'ai tremblé, vibré, pleuré, tant la plume de Sandrine Collette m'a fait manquer d'air. Pourtant, ce n'était pas gagné d'avance...

J'avais aimé son premier texte (voir ici), beaucoup moins le suivant (ici), je n'avais carrément pas eu envie de lire le précédent, et c'est donc un combo formenté par Le Hasard himself qui m'a fait ouvrir Les larmes noires sur la terre : un train en retard + ma liseuse qui déborde + un post de Michel Dufranne sur Facebook. Je m'attendais à un thriller, point. Le prologue ne m'a pas surprise plus que ça du coup : il était rempli de mystère, de tension, joliment écrit, mais je me suis juste dit " et merde, pitié, pas encore une histoire glauque avec un enfant". Puis, les premières pages... "Mais, euh, c'est bien lent tout ça?" et "oh misère non, pas un univers dystopique en plus"... Puis j'ai tout oublié : mon envie de suspense, l'anticipation, les dates et leur choix parfois un poil lourd, la linéarité de la narration, tout.

Parce que, pour moi, il n'y avait plus que Moe. Moe, l'enfant, la Casse. Moe, l'enfant, la Casse, Ada, Jaja, Poule, Nini et Marie-Thé. Je me suis pris en pleine face, sans la voir venir, une humanité brûlante, vibrante, une humanité faite de toutes petites lumières, qui n'éclairent pas bien loin, qui vacillent souvent, mais qui existent, quelque part. Parce qu'il est noir, le monde de Sandrine Collette, noir, triste et sans espoir. Cette Casse, c'est l'Auschwitz du futur, sans doute, comme l'on dit bien des critiques, mais cette Casse, c'est déjà le monde pour certains aujourd'hui (et je n'ai pas pu m'empêcher de penser à Chanchal, Virgil et Assan, évidemment (voir ici)), des gens comme Moe, des gens comme vous et moi, des gens qui ont juste eu moins de chance. Alors oui, le monde est noir, terrible, violent, comme les hommes de cette histoire d'ailleurs, mais pas désespéré : un thé, un rocher coco, un regard ou le souffle chaud d'un bébé qui dort, parfois, ça suffit pour avancer jusqu'à demain.

Et puis, il y a les mots. Leur enchaînement, leur résonance, leur association ou leur absence. Si ce roman est aussi puissant, c'est grâce au style de Sandrine Collette. Un style vif, contemporain, mais surtout un style qui secoue, les mots et les coeurs.

Vraiment, je vous conseille de partir à la découverte de ces femmes-là, et si mes mots à moi ne vous ont pas convaincus, tant pis, j'essaie une technique vieille comme le monde... 

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F
Je te suis les yeux fermés. <br /> (En plus ce sera une découverte de l'auteure!)
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L
Fonce, et viens vite me donner ton avis :-)
J
Je partage ton ressenti ...... J'ai adoré ..... Et la fin ....magnifique .....<3
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L
Une vraie claque partagée alors...
C
Convaincue ! En plus elle sera là aux QDP ! Donc je me le fais vite vite vite !
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L
Je crois que tu vas aimer autant que moi, en tout cas je l'espère!