La Fée Lit

"Quand je pense à tous les livres qu'il me reste à lire, j'ai la certitude d'être encore heureux" (Jules Renard)

"Dans la peau d'une djihadiste", Anna Erelle

 "Dans la peau d'une djihadiste", Anna Erelle

"Chaque présage a son devenir."

Convertie à l'islam, Mélanie rencontre sur Facebook le chef français d'une brigade islamiste. En quarante-huit heures, il « tombe amoureux » d'elle, l'appelle nuit et jour, la presse de venir faire son djihad en Syrie et dans la foulée la demande en mariage, lui faisant miroiter une vie paradisiaque... De «chat» Facebook en conversation Skype, Mélanie se prend au jeu et commence à préparer secrètement son départ. Des jeunes Européennes comme Mélanie, chaque semaine plus nombreuses à se laisser embrigader via Internet, l'auteur de ce livre en connaît des dizaines : c'est elle, Anna Erelle, qui se cache en réalité derrière le profil de «Mélanie». Jeune reporter, elle travaille sur les réseaux de l État islamique (EI) dont la propagande numérique, le «djihad 2.0», constitue l'une des armes les plus redoutables. Pendant un mois, Anna se glisse ainsi dans la peau de Mélanie, et consacre ses journées à vérifier les confidences que son «prétendant» proche d'Abou Bakr al-Baghdadi, le calife autoproclamé de l'EI, livre le soir derrière un écran d'ordinateur à sa «future épouse», dans une impatience grandissante que celle ci le rejoigne. Ce voyage est l'ultime étape, la plus dangereuse, de son reportage, et Anna l’a planifié dans les moindres détails. Elle part, comme prévu. Mais tout va déraper...

Paru chez Robert Laffont le 08 janvier 2015, par un triste hasard, cette enquête journalistique au coeur des filières de recrutement de l'Etat islamique est une lecture édifiante à plus d'un titre. On y découvre comment Daesh embrigade, via les réseaux sociaux, de jeunes européens, et leur force de persuasion fait froid dans le dos. Tout au long du récit, "Anna" nous parle de vidéos postées sur YouTube et de pages Facebook, et c'est donc mon ordinateur à portée de main que j'ai lu (d'une traite) cette enquête, et ce n'est pas une image  si je vous dis que ce que j'y ai vu m'a laissée souvent 

Incitation à la haine, des têtes coupées exhibées fièrement, des mômes et des femmes intégralement voilées brandissant fièrement des kalachnikovs et appelant leurs frères et soeurs de par le monde à venir les rejoindre, à faire leur djihad, leur hijra, à prendre les armes contre tous ces mécréants impies. Sincèrement, ça fait froid dans le dos. Parce que c'est à la fois énorme, à la limite de la caricature, et efficace, parce que l'on sait que ces techniques de recrutement et de propagande fonctionnent (trop bien).

La "rencontre" entre Mélanie et Bilel, la tournure que prennent leurs échanges et (surtout?) la rapidité avec laquelle ce bras droit d'El-Baghdadi demande en mariage une soit-disant jeune convertie française de moins que vingt ans qu'il n'a jamais vue et connait depuis moins d'une semaine, tout cela est effarant, et en serait presque risible, s'il ne s'agissait pas d'une réalité, dont on a du mal à imaginer la portée. S'il aborde avec sa "promise" ses combats, ses convictions et sa vision du djihad, Bilel n'est reste pas moins homme, Enfin, homme... On se croirait sur "adopteundijihadiste.com", mais ça fait plus frémir que sourire. J'imaginais les terroristes comme des machines de guerre au cerveau embué, pas comme des b*tes sur pattes en chaleur, demandant à leur dulcinée de porter, sous le double voile intégral (?!!) bas résille, porte-jartelles et jolis dessous affriolants. Quand tu auras fini tes cours de tir, je t'emmenerai dans un très beau magasin, ou comment draguer quand on est un dijhadiste 2.0, fan de nike et de téléphone portable dernier cri. Tentant, non?  Comme le dit Cajou dans son billet (ici, merci du conseil), il est un peu beauf, Bilel, il a un petit côté

Mais dans la troisième partie, celle où  absolument rien ne s'est passé comme prévu, il montrera son vrai visage, et c'est pour Mélanie-"Anna" et son équipe que l'on finira par trembler. Parce que derrière ce récit factuel, il y a "Anna", jeune journaliste, "Anna" qui prend des risques, embarquée et passionnée par son sujet, "Anna" qui frôle la schizophrénie, Mélanie (qui est ) une valse à mille temps, "Anna" qui s'est mise  dans la peau d'une funambule phobique du vide et qui se retrouve, toujours à l'heure actuelle, sous la menace d'une fatwa. Obligée de jongler entre ses deux identités, la réelle et la fictive, de jouer un rôle, celui d'une jeune femme désabusée et naïve, de le tenir et de le rendre crédible, quitte à heurter son entourage et à faire s'inquiéter (à juste titre) les siens, "Anna" (qui est donc un nom d'emprunt, sécurité oblige) prend des risques, et marche sur un fil. Et nous aussi, finalement.

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J
Il est dans ma liseuse ..... mais je n'ai pas encore eu vraiment l'envie de le commencer ... En attente, donc ....:)
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