La Fée Lit

"Quand je pense à tous les livres qu'il me reste à lire, j'ai la certitude d'être encore heureux" (Jules Renard)

"Glaçé" et "Le cercle" Bernard Minier

"Glaçé" et "Le cercle" Bernard Minier

"Nous changeons. Tous. irrémédiablement. Une part de nous-mêmes reste identique: le noyau, le cœur pur venu de l'enfance, mais tout autour s'accumulent tant de sédiments. Jusqu'à défigurer l'enfant que nous étions, jusqu'à faire de l'adulte un être si différent et monstrueux que, si l'on pouvait se dédoubler, l'enfant ne reconnaitrait pas l'adulte qu'il est devenu - et serait sans doute terrifié à l'idée de devenir cette personne-là".

Parfois, quand la Vie est ce qu'elle est souvent ( difficile, contraignante, chronophage, chiante, nauséabonde, difficile, biffez les mentions inutiles), j'ai envie de me vider la tête. Pas vous? Quand après une journée pénible je me retrouve coincée dans un train "au retard indéterminé", mon seul désir, c'est de me plonger dans un roman, de m'y immerger complètement et de ne plus penser. Réfléchir? Analyser, disséquer, chicaner? Pas cette fois, non, cette fois (ou plutôt "ces " fois)-ci, j'ai juste eu envie d'un bon vieux thriller bien addictif, un page-turner sans prise de tête, et j'ai été servie. Au point d'enchainer les deux premiers volumes et de piaffer d'impatience en attendant la sortir prochaine du numéro trois. Et j'assume, n'en déplaise à certains: les raisons qui m'ont fait aimer Minier ne sont pas intellectuelles, réfléchies, pensées ou argumentées. Elles tiennent juste au coup de cœur, à la réussite de ses thrillers sans prétention mais qui atteignent leur but: nous couper du monde, nous transporter dans un "ailleurs" qui dépayse, qui nous glacent le sang et nous donnent envie de "savoir". Alors, moi je dis "merci m'sieur Minier", malgré tout ce que l'on peut vous reprocher (et que je risque fort de souligner, on ne se refait pas), j'ai passé un excellent moment en compagnie de Servaz, qui rejoint le cercle restreint de ces personnages-amis que je me réjouis de retrouver.

Glacé est le premier roman de l'auteur, et cela se sent. Dès le début. Mais qu'importe.... Ca commence, fort, très fort, par ce qui est selon moi le passage le plus réussi du roman: un prologue en immersion totale, une découverte de l'horreur "in médias res" (je frime si je veux) qui vous scotche littéralement : un corps accroché à 2000 mètres d'altitude découvert par des ouvriers d'une centrale électrique.... Un cadavre, donc, oui.... mais un cadavre de cheval... et voilà notre héros récurrent dépêché sur les lieux, pas ravi, évidemment, d'être tiré de sa routine pour un animal mort. Servaz, c'est à la fois la force et le talon d'Achille ( latin/grec, tout ça...) de son auteur ; il accumule les poncifs: à la limite de l'alcoolisme, divorcé, torturé, en rébellion avec sa hiérarchie, rongé par son passé, flanqué de deux coéquipiers sortis tout droit d'une série B (le bel homosexuel fan de musique dont la play-list inonde les pages des romans et ferait rougir les inrocks et la sexy-moche-douée en informatique, ça vous rappelle des choses?) et d'une fille punkette en pleine adolescence, c'est l'enquêteur-type des thrillers français. Mais quand même. Au fil des deux romans, même s'il tombe dans les clichés (le come-back de son amour de jeunesse dans Le Cercle m'a fait levé les yeux au ciel), il relève les défis et prend du coffre, de la rondeur, il se bonifie, comme son auteur, en fait :-)

Glacé donc ( bon, d'accord, cette chronique sera assez décousue, et alors? ça a aussi son charme) nous emmène dans les Pyrénées, qui deviennent un personnage à part entière, décrites en long en large et en travers (Dieu que je déteste la montage) et qui finiront par devenir acteur de l'intrigue (suspense intenable, non?), à la découverte d'une clinique psychiatrique hors normes, qui accueille les pires psychopathes d'Europe (rien que ça) dont, le terriiiiiiiiiiiiiiiiiible Julian Hirtmann qui jouera un rôle déterminant tant dans le premier que dans le deuxième (et on imagine le troisième) roman de Minier. Le coup de génie de l'auteur, c'est de multiplier les narrations , histoire de ne pas lasser les lecteurs rompus aux règles du genre: à côté de l'enquête classique, qui va nous mener dans les relents infects d'une colonie de vacances, Minier nous entraine sur les traces d'une apprentie-psychologue qui fourre son nez là où elle ne devrait pas.... Les ficelles sont grosses, c'est vrai, on devine assez vite où l'auteur veut nous emmener, mais ce qui nous manque c'est le "pourquoi" et le "comment" des choses et ce sont ces interrogations qui ont maintenu mon attention jusqu'au bout et m'ont donné envie de me plonger dans Le Cercle sans plus attendre.

Le deuxième opus est plus construit, plus abouti, moins manichéen que le premier. Il multiplie les personnages forts, avec une âme et une histoire, même s'il ne peut s'empêcher de tomber dans le "déjà vu, déjà écrit, déjà lu, cliché cliché cliché" ( la nana belle, douce mais droguée et le pauvre technicien de surface sans papiers, hum....). Le Cercle nous plonge dans une ambiance à la Cercle des poètes disparus (ben quoi?): une petite ville universitaire du Sud-Ouest de la France, la classe de Khâgne que rejoint la fille de Servaz, pile celle où lui-même a rencontré l'ex-femme de sa vie et son ex-meilleur ami....Oh mais quelle coïncidence! Mais qu'importe, on se baigne avec plaisir dans cette atmosphère, on découvre, avec stupeur, le cadavre de cette professeure, amante du fils de l'ex de notre héros (vous suivez toujours?), pauvre gamin qui se voit accuser (ben tiens), qui est mêlé de façon confuse à un mystérieux cercle qui va mettre la vie de Punkette (la fille de Servaz, au cas où vous auriez décroché ) en danger. Vous l'avez compris: passé et présent, adultes et enfants, personnages récurrents (coucou Julian-le-psychopathe) et petits nouveaux, tout se mélange avec plus ou moins de bonheur (la similitude entre les thématiques finales m'a fait grincer des dents, je l'avoue aussi) mais, en tout cas, nous entraine de page en page jusqu'au final.... Brrrr... et quel final! ON VEUT SAVOIR!!! Voiàl le sentiment qui domine à la fin de la lecture, et je n'en demandais pas plus , moi.... Pari tenu, à dans 15 jours, alors, M'sieur Minier!

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B
Suis je la seule à rester interdite à la fin (du Cercle) ? La fille séquestrée est remplacée par une nouvelle. La personne qu'on suit depuis le début ne peut pas être Marianne or il est bien dit "elle avait une remplaçante désormais" et elle pense à Martin, Hugo... Ai-je loupé quelque chose?
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J
"Glacé" m'avait beaucoup plu, un premier roman réussi ....malgré les bémols que tu soulignes ... Par contre, j'ai été déçue par "Le Cercle" que j'ai trouvé moins accrocheur, plus poussif, trop "tiré par les cheveux" ...
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L
L'ambiance "petite ville universitaire" m'a emportée :-)