"Quand je pense à tous les livres qu'il me reste à lire, j'ai la certitude d'être encore heureux" (Jules Renard)
5 Avril 2018
"Parce que derrière les grilles du bahut, y'a aucun destin fabuleux, style téléfilm à la con, qui nous attend. Juste cette saloperie de réalité, avec sa gueule d'acier qui va nous broyer".
Bande-son : ici. Difficile de choisir dans la playlist de l'auteur, mais outre le fait que j'adore cette chanson, elle me semblait parfaitement coller au roman.
Gabriel et Laetitia entrent en Terminale Littéraire.
Il est brumeux et arrogant.
Elle est fière et sauvage.
Ils s’ennuient royalement au lycée,
et ils ont comme une envie
de le faire payer à tout le monde.
Ça tombe bien :
cette année, ils étudient Les Liaisons dangereuses.
Ça va leur donner des idées…
Qui pourrait ne pas frémir en songeant aux malheurs que peut causer une seule liaison dangereuse! (Lettre CLXXV). (Si vous voulez vous rafraîchir la mémoire, cliquez ici, c'est cadeau).
Inventeur du boulet creux et, de ce fait, à l'origine de ma plus grande honte universitaire (spéciale dédicace à Delbouille et à mes amis romanistes), Pierre Ambroise Choderlos de Laclos m'a toujours semblé être un odieux connard. Et un artiste de génie. Autant de grâce libertine et de sulfureuses tromperies, autant de punchlines et d'envolées lyriques, autant de richards désœuvrés, de Marie-couche-toi-là et de pudiques vierges, autant de vitriol dans le portrait d'une époque et d'universalité dans les caractères, tout cela relève en effet du talent, du vrai. Et tout cela, je pourrais le dire aussi du roman de Joanne Richoux. Car l'auteur n'a pas à rougir de la comparaison, et croyez-moi, dans ma bouche, c'est un sacré compliment. Ce ne sont pas les versions contemporaines des Liaisons dangereuses qui manquent, tant au cinéma qu'en littérature, jeunesse ou non, et à chaque fois, il manquait un petit quelque chose. Et ce petit quelque chose, indéniablement, Joanne Richoux l'a trouvé... Alors, qu'est-ce donc?
Difficile à dire... Des cou*lles, déjà (oui c'est un peu vulgaire, pardon). Pour aller au bout de ses idées, pour secouer les personnages autant que le lecteur, les mettre mal à l'aise, tous, le cul entre deux chaises, face à leurs propres émotions et leurs propres secrets. Pour ne pas avoir peur, de secouer, de choquer, d'interpeller, d'émouvoir et de faire grincer des dents, et parfois tout ça à la fois. Pour ne pas tomber dans la facilité, l'angélisme, la caricature ou la copie. Pour créer ces anges tombés du ciel et ces démons brûlants du feu des Enfers, ces familles explosées, ces parents et ces profs qui essaient encore, ou pas. Ces Solal, Amandine, Ninon, Clara, Christian et Dorian, ces charnières, ces tremplins, ceux sans qui rien n'arriverait, pour oser leur donner corps et âmes, alors qu'il aurait si facile de se concentrer sur Laetitia et son ange Gabriel. Pour tenir la main de Choderlos de Laclos et puis la lâcher avec autant d'élégance. Et aller droit devant. Pour parler tigh gap, MK-Ultra, scènes galantes de Fragonard et pulls de Noël, sans fard ni artifice. Pour oser être frontal. Cru. Violent. Dérangeant. Et terriblement juste.
Puis une plume aussi. Trempée dans l'acide. Une plume délicate, pourtant, qui se joue des mots et des gens. Qui caresse autant qu'elle pique, qui cite Stendhal et se moque de Julien Sorel. Qui envoie des textos et des mails, qui parle jeune, et bien, et au coeur, directement. Une plume que j'imagine à l'image de son auteur, contemporaine et forte.
Alors oui, Joanne Richoux a trouvé ce petit quelque chose qui transforme une histoire en coup de coeur, et un roman en grosse claque. BANG.
Jacqueline 09/04/2018 13:29
LaFée 10/04/2018 09:18
Karine 09/04/2018 00:32
LaFée 10/04/2018 09:19
Jacqueline 05/04/2018 16:18
Cajou 05/04/2018 14:56
LaFée 10/04/2018 09:19
argali 05/04/2018 14:27
LaFée 10/04/2018 09:19