"Quand je pense à tous les livres qu'il me reste à lire, j'ai la certitude d'être encore heureux" (Jules Renard)
14 Janvier 2018
"Puis j'énonçais à voix basse les paroles d'un grand maître du hassidisme, Reb Mendel de Vitebsk : "Avoir la foi, c'est croire aveuglément, sans sans exiger de preuve, sans chercher de logique. Avoir la foi, c'est croire sans raison aucune.""
Shulem Deen a été élevé dans l’idée qu’il est dangereux de poser des questions. Membre des skver, l’une des communautés hassidiques les plus extrêmes et les plus isolées des États-Unis, il ne connaissait rien du monde extérieur. Si ce n’est qu’il fallait à tout prix l’éviter. Marié à l’âge de dix-huit ans, père de cinq enfants, (il) alluma un jour un poste de radio – une première transgression minime. Mais sa curiosité fut piquée et le mena dans une bibliothèque, puis sur Internet, et ébranla les fondements de son système de croyances. Craignant d’être découvert, il sera finalement exclu pour hérésie par sa communauté et acculé à quitter sa propre famille. Dans ce récit passionnant, il raconte ce long et douloureux processus d’émancipation et nous dévoile un monde clos et mystérieux.
C'est bon, hein, je sais ce que vous allez me dire. Rabbi Jacob pour illustrer un texte qui parle des skver, cette communauté hassidique extrême et isolée des Etats-Unis, really? Ben ouais. OK, c'est cliché à mort, mais vous avez déjà fait une recherche Google avec "animated gif+ jewish", vous? Essayez, pour voir. Puis, pour être tout à fait honnête, mes notions de judaïsme se résumaient un peu à ça, avant de lire Shulem Deen : Rabbi Jacob, kippa, casher et chandelier (on dirait les éléments d'une partie de Cluedo!). Alors oui, ma lecture s'est avérée par moments difficile, voire ardue, j'ai fait chauffé les moteurs de recherche, j'ai posé des questions à mes amis et collègues, j'ai même regardé un "C'est pas sorcier". On peut donc se demander ce qui m'a poussée vers ce livre : une curiosité un peu malsaine (celle qui nous fait regarder l'Autre/le Différent/le Bizarre avec des yeux de fouine fouineuse)? sa couverture graphique? son titre sublime, avec ces mots, ceux de la Bible envers la femme adultère et ceux du Talmud envers l'hérésie? Et bien, les trois, monsieur le juge, les trois. Et je suis ravie d'avoir bataillé avec ce texte, longuement, parce que j'en ressors touchée, et un peu sidérée aussi, il faut bien l'avouer.
Touchée, parce qu'au-delà de l'aspect religieux, c'est sa vie personnelle que nous donne à lire Shulem Deen. Ses doutes, ses peurs et ses rêves, sa souffrance aussi, celle de ne plus voir ses cinq enfants, celle de payer le prix fort pour avoir oser douter. Il y a beaucoup d'amour, dans ces pages, du respect aussi, pour celle qu'il n'a pourtant pas choisie comme épouse, pour les membres de sa communauté, pour le rebbe, le bezdin, et tous ces hommes en papillotes. Parce que le doute n'efface pas le respect, et ce livre en est plein. Ce serait une erreur d'y voir un réquisitoire contre les juifs ultra-orthodoxes, vraiment, en tout cas moi je n'y vois qu'une tentative de résilience, une façon de mettre en mots (et en ordre?) tous les événements qui l'ont conduit là où il est aujourd’hui. Pour comprendre, bien plus que pour juger.
Sidérée, clairement. Mon athéisme profond n'est un secret pour personne, alors, lorsqu'il se confronte à l'utra-ultra-ultra-Foi, le choc est immense. Le nombre d'heures passées à étudier les textes sacrés, les châtiments, les interdits et le règles (hallucinantes de précisions : chaque petit ou grand événement fait l'objet d'une règle!), cette faculté de se soustraire au monde moderne en étant pourtant au cœur de l'état de New York, l'innocence (oserais-je dire la bêtise?) dans laquelle sont maintenus les membres de cette communauté (je ne suis toujours pas remise du "service du lit") et, évidemment, la condition (enfin, "condition", il faut le dire vite!) de la femme, tout cela m'a tour à tour étonnée, énervée et profondément secouée. Le cheminement intérieur de Shulem Deen, la lutte intime entre ce qu'il a toujours connu, cru, vécu, et ce qui semble exister "ailleurs", dans un monde où l'on peut se rendre à la médiathèque et écouter la radio, et où l'on peut penser par soi-même, surtout, cette lutte intime pourtant impudiquement livrée au public est un beau cadeau : elle agit comme un miroir, et nous fait réfléchir sur notre propre rapport à la Foi. Et en ces temps agités, vous avouerez que c'est une excellente chose....
ZALMA 07/02/2018 15:06
LaFée 09/02/2018 13:57
Jacqueline 16/01/2018 19:59
LaFée 17/01/2018 09:00
Fanny 15/01/2018 14:49
LaFée 17/01/2018 09:01
Karine 15/01/2018 03:16
LaFée 17/01/2018 09:01