"Quand je pense à tous les livres qu'il me reste à lire, j'ai la certitude d'être encore heureux" (Jules Renard)
5 Juin 2017
"Les histoires sont des voyageurs rapides qui ne cessent de se déplacer. (...) Les histoires changent avec le vent, la marée, et les phases de la lune. De toute façon, la moitié du temps, ce ne sont que des brumes tressées qui disparaissent quand la lumière du jour tombe sur elles."
Bande son, terrible, ici.
Voici la sombre et fascinante histoire de deux mondes parallèles.
Vienne, à la fin du XIXe siècle. Josef Breuer – célèbre psychanalyste – est sur le point d’être confronté au cas le plus énigmatique de sa carrière. Trouvée près d’un asile d'aliénés, maigre, la tête rasée, la jeune fille prétend n’avoir pas de nom, pas de sentiments – d’être, en fait, une machine revenue pour tuer le Monstre. Intrigué, Breuer est déterminé à comprendre les racines de ses maux.
Quelque part en Allemagne, bien des années plus tard. Krysta est une petite fille dont la mère a mis fin à ses jours et qui tyrannise ses gouvernantes et son père, médecin dans un étrange dispensaire...
Il était une fois, il n'y a pas si longtemps, dans la moiteur étouffante d'une salle de classe baignée par le soleil, une lectrice égarée. Une lectrice dans un champ, avec des enfants abandonnés par le joueur de flûte de Hamelin, avec l'Ombre. Egarée, donc. Une lectrice dans un drôle de zoo, avec une petite teigne et de terrifiantes histoires. Egarée, toujours. Une lectrice dans le Vienne de Freud, dans l'ambiance feutrée d'une maison bourgeoise, avec une bien étrange étrangère. Egarée, encore. Mais où sommes-nous? Partout? Nulle part? Quand? Jamais? Ou plutôt, toujours?
C'est peu dire que j'ai été déboussolée par la lecture de ce roman. Je n'ai rien compris, au début, au milieu, et même à la fin, je crois. Ou alors, ce que j'ai compris me laisse tellement abasourdie que je ne sais pas très bien, ou que je préfère vraiment... (Vous avez du mal à suivre? Ne vous inquiétez pas, c'est fait exprès, pour vous donner une idée de ce que j'ai ressenti pendant ma lecture...)
Mais j'ai adoré. J'ai adoré perdre la tête, chercher à rationaliser, abandonner, me laisser porter, croire que, et finalement non, quoique....
(oui, c'est moi pendant ma lecture.)
J'ai adoré frémir, aussi, de peur, de dégoût (j'ai toujours eu un problème avec les vers de terre), de lucidité aussi parfois. Comme l'enfant qui a peur du croquemitaine, comme celui qui se cache les yeux pour ne pas voir mais ne peut s'empêcher d'écarter les doigts, comme celui qui laisse pendre son pied hors du lit pour braver le monstre, mais qui, d'un mouvement aussi rapide qu'instinctif, le remet sous la couette quand le parquet grince. Gretel and the dark convoque les peurs viscérales de l'Enfance, joue avec elles, les modèle à sa guise et nous emmène là où l'on n'a pas envie d'aller. Mais on y va quand même.
J'ai adoré écarquiller les yeux aussi, souvent. D'émerveillement (oui, carrément!) devant une langue aussi poétique qu'archaïque, aussi travaillée que subtile. D'admiration (oui, aussi!) devant l'incroyable mise en abîme qu'est la construction de ce récit, une construction qui donne le tournis, qui embobine et qui trompe, mais peut-être est-ce ce qui arrive quand on invente des histoires à l'intérieur d'histoires qui sont elles-mêmes de contes de fées. De stupeur, je dois bien l'avouer, quand les pièces se mettent en place et que les contes reprennent la leur.
Un roman à part, vous l'avez compris. Un roman exigeant, c'est vrai, mais un roman qui mérite d'être découvert à tâtons, sans trop en savoir à l'avance (évitez la quatrième de couverture, d'ailleurs!). Allez-y, vite, et comme le dit si bien Jean Cocteau au début de La Belle et la bête :
« L’enfance croit ce qu’on lui raconte et ne le met pas en doute.
Elle croit qu’une rose qu’on cueille peut attirer des drames dans une famille.
Elle croit mille autres choses bien naïves.
C’est un peu de cette naïveté que je vous demande et pour nous porter chance à tous, laissez-moi vous dire 4 mots magiques et un véritable « Sésame ouvre-toi » de l’enfance :
Il était une fois… »
Jacqueline 07/06/2017 10:12
LaFée 08/06/2017 20:10
Constance Poitras 06/06/2017 03:51
Constance Poitras 09/06/2017 02:21
LaFée 08/06/2017 20:10