5 Janvier 2017
" Elle a un petit rire dans la voix, le rire de qui se méfie des lieux communs, des mots qui agissent comme des verrous qui se ferment. Ou comme des étiquettes ? Les étiquettes sont une drôle de chose. Juifs, polonais, athées. A chaque syllabe, ici, le monde rétrécit et se fige. La violence et les malentendus grondent."
Ça commence comme une nouvelle d’Alice Munro : lors de son déménagement, une romancière est abordée par sa voisine du dessus qui l’a reconnue, et l’invite chez elle pour parler de Charlotte Delbo...
Il n'est pas de hasard, il est des rendez-vous, pas de coïncidence (bande son ici ) : à la lecture des premiers mots de présentation, j'ai su que ce roman était pour moi. Je ne savais juste pas encore à quel point il allait réussir à me bouleverser à travers sa petite centaine de pages qui ne paient pas de mine. Une première lecture de 2017 coup de coeur, quoi de mieux pour commencer l'année?
La narratrice rencontre donc sa voisine, qui veut lui parler de Charlotte Delbo, voilà le point de départ de ce roman, curieux petit texte où les je s'emmêlent et se mêlent, tant Geneviève (enfin, j'imagine? J'avoue, je n'ai pas cherché le vrai du faux) et Jenny finissent par se fondre. S'engagent alors une conversation sans fin, et une amitié teintée de respect, faite de jardinage (ah, les impatiences!), de promenades (dans le passé autant que dans le présent), et de confidences. Et c'est à travers celles-ci que se dévoile la vie de Jenny Plocki. Du petit village perdu dans les bois polonais à l'étal de chaussettes du marché parisien, ce sont des vies plutôt qui prennent vie à travers les mots, celle de Rivka et Nuchim et de leurs enfants, à travers la tourmente de l'Histoire, celle qui prendra fin pour certains entre les barbelés d'Auschwitz. Puis il y aura la vie de Jenny, après, son engagement, ses amours, l'amitié qui sauve, et son métier d'institutrice, puis ces mots, ceux écrits sur un bout de papier miraculeusement échappés d'un wagon, Lebt un hoft. Vivez et espérez.
C'est un texte poignant de pudeur, de retenue et d'amour (qui n'est toujours pas un gros mot), c'est un texte qui serre le coeur mais qui est rempli de lumière et d'espoir.
Puisqu'il est cité dans le roman, et parce qu'il résume à merveille ce que pourraient être mes voeux en ce début d'année, je choisis de terminer ce billet par un long poème de Charlotte Delbo, en espérant qu'il résonnera en vous autant qu'il le fait en moi à chaque fois que je le lis.
Prière aux vivants pour leur pardonner d'être vivants