La Fée Lit

"Quand je pense à tous les livres qu'il me reste à lire, j'ai la certitude d'être encore heureux" (Jules Renard)

" D'après une histoire vraie", Delphine de Vigan

" D'après une histoire vraie", Delphine de Vigan

" Je suis un mensonge qui dit toujours la vérité", Jean Cocteau *.

Depuis que j'ai refermé ce livre, je me demande comment je vais bien pouvoir en faire un billet, par quel bout commencer, comment en dire assez mais pas trop, comment ne pas vous perdre dans les nébuleux méandres des batailles entre mes deux neurones encore valides, bref comment écrire. Puis,  . C'est aussi toute la question de Delphine de Vigan , tiens, " comment écrire"! Et hop, voici un billet écrit " à la manière de Delphine de V", en mode Me, myself & I, donc.

Lundi 14 septembre, 20h. Je relis pour la énième fois le texte de présentation du dernier roman de Delphine de Vigan. Ce livre est le récit de ma rencontre avec L. L. est le cauchemar de tout écrivain. Ou plutôt le genre de personne qu’un écrivain ne devrait jamais rencontrer. » Dans ce roman, Delphine de Vigan raconte l’histoire d’une amitié. Séduction, dépression et trahison sont les trois temps de ce récit qui entraîne le lecteur dans les coulisses de la création, là où le doute, les apparences et les faux-semblants tendent un piège redoutable. Qui est le maître du jeu ? «Tu sais parfois, je me demande s’il n’y a pas quelqu’un qui prend possession de toi. ». Mouais. Tout le monde est enthousiaste, un peu trop même. " Coup de coeur" par ci, " coup de coeur" par là, je sens que je vais encore jouer les vilains petits canards, le " j'aime pas les récits de vie", mais en même temps, ah, oui, j'avais tellement aimé Rien ne s'oppose à la nuit... Puis je lis, quelque part, que Cajou tempère cette pluie de compliments, que "bof, quoi, jusque maintenant", donc je me décide. Je vais le lire. Demain, oui demain c'est bien.

Mardi 15 septembre, 12h22, sms à C. " Non mais, ma chériiiiiiiie, c'est quoi cè trouc?" (je regarde toujours " Les Reines du shopping, ça me donne l'impression d'être encore en vacances). Les trente premières pages sont une pénitence, vraiment. Et moi moi moi, et je je je. Jusqu'à plus soif. Ahum. Puis ça décolle, ENFIN. Je retrouve le style de de Vigan, celui que j'aimais tant, envolé, puissant, honnête et torturé. Toutes ces pages sur le questionnement de soi, ces réflexions sur l'écriture, la relation à ses lecteurs, "comment écrire après "ça", j'ai vraiment a-do-ré. Bon, il y avait bien cette rencontre avec L., ce récit factuel d'une soirée comme tant d'autres qui ouvre la porte à je nesaispasencoretropquoimaisj'aibienunepetiteidéemercilerésumé, mais je passe au-dessus.

Mardi 15 septembre; 17h, sms à C. "Pitié, j'en peux plus, c'est nombriliste et égocentrique à mort, help". J'ai commencé à googeliser et à noter (billet wtf en tête) tous les gens connus que l'auteur cite, encore, et encore, comme si elle nous lisait son carnet d'adresses en mode "je me la pète": François, François, François (ça va, hein, on le sait que tu te tapes Busnel, pas la peine de la jouer mystérieuse), Nathalie A., Hadrien L., Agnès D., et même le pote de son pote qui connaît Delarue (Jean-Luc, tu le sais, ). Même quand c'est L. qui parle, on croirait entendre D. Dans ma tête, c'était

Trois gifs d'un coup, pour que vous compreniez bien combien cette deuxième partie m'a gonflée. Des détails, des répétitions, des platitudes, une ressemblance un peu trop marquée avec le film " JF partagerait appartement", franchement, si Cajou ne m'avait pas conseillé de m'accrocher, j'aurais volontiers planté L. et D. là. En mode " votre petite vie ne m'intéresse pas".

Mercredi 16 septembre 17h15, smssss à C. " Pitié pitié, pi-tié, ne me dis pas que , que , que ". On vire dans le mauvais thriller psycho de base, rempli de clichés, mais je ne perds pas espoir. Après tout, si Cajou a dit que  (vous voyez mes efforts pour ne pas vous spoiler, là?), c'est que .

Mercredi 16 septembre, 20h20, sms à  C.

(c'est une métaphore, hein, rien de fantastique/ surnaturel dans ce roman, (mais quand même...))

En moins de 50 pages, Delphine de Vigan réussit l'impensable, l'inenvisageable, l'incroyable tour de force de me retourner le cerveau et de faire se battre en duel mes deux neurones qui jusque là s'ennuyaient ferme. Je lis, je relis, je re-re-relis le dernier paragraphe, et

Mercredi 16 septembre 22h jusque bien tard, smsss à C. " Mais tu as compris comme moi? Comment ça non? Mais t'as compris quoi?" Hypothèses, conjectures, relectures, recherche d'autres romans dans nos bibliothèques pour en relire des passages.

"Non mais si tu as raison, alors ça veut dire que . Oui, mais peut-être que ". Non? Tu crois?" Conclusion : je sais que je ne sais rien. Et que personne ne détient ni la vérité, ni la clé. Que le message est clair, ou pas, mais qu'il a le mérite d'être là. Pied de nez complet au lecteur. Bien joué, Delphine! ( et un merci tout particulier à mon chéri qui  m'a rappelé, alors que je lui racontais tout ça, que Shutter Island nous avait aussi bien retourné la tête, en son temps. Du coup je me suis couchée la tête farcie de deux fois plus d'hypothèses, puisque j'ai pensé en boucle aux deux fins de ces deux livres et que je me suis réveillée avec une migraine épouvantable. Trop de réflexion d'un coup, il paraît.)

Jeudi 17 septembre, 10h25, classe de 4ème. C'est rigolo, on travaille justement sur l'autobiographie. On discute "pacte de lecture", modalisation", véracité et vraisemblance", "le vrai", "le faux", "la frontière", tout ça, et je me dis que D'après une histoire vraie pose vraiment une réflexion intéressante sur le sujet, vu de l'intérieur, et je continue de me triturer les méninges à essayer de comprendre l'incompréhensible, parce que je déteste ce flou  artistique autant que je l'aime, allez comprendre.

Jeudi 17 septembre, 15h10, classe de rhéto. Socio de la littérature au programme, capital symbolique, économique, frontière entre les deux. Evidemment, comme je suis un peu monomaniaque, je finis par leur parler du roman de de Vigan, on essaie de lui donner une place dans le champ littéraire, on en arrive à la conclusion que comme il a plusieurs niveaux de lectures, il peut se positionner différemment, que c'est malin (mais voulu?) et puis. La révélation, dans la bouche d'un ado blasé qui ne s'étonne plus de me voir m'enthousiasmer et m'emballer : " ouais, donc, en gros, c'est un exercice de style ce bouquin, quoi".

Jeudi 17 septembre, 21h32. Si j'essaie de résumer un peu tout ça, je dirai que mon grand dadet de 17 ans a mis des mots sur ce que je ressentais sans trop pouvoir l'identifier. Intellectuellement, grâce aux dernières pages, j'ai beaucoup aimé ce livre. J'ai aimé être retournée comme une crèpe, j'ai aimé la réflexion, les hypothèses, j'ai par-dessus tout aimé les conversations enflammées avec Cajou (son avis ici) et Leiloona (ici) qui ont écouté mes délires et m'ont fait part des leurs. Mais il manque " ce tout petit supplément d'âme". J'ai aimé avec ma tête, pas avec mon coeur. Parce que j'aime la fiction par dessus tout, sans doute, parce que je peux pleurer, et sauter de joie, et penser des jours entiers à des personnages qui ne sont faits que de mots. A bien y réfléchir, ce roman n'en est sans doute pas un (ou alors si, allez savoir), tant mieux ou tant pis, c'est un tour de force réussi et plaisant, où l'auteur s'égare et se regarde le nombril, où elle réfléchit et se joue de nous, c'est sans doute bien assez, après tout. Ou pas.

Vous avez tenu jusqu'à la fin de ce billet? Je vous dis merci, alors, et

Troisième (et quelle troisième!) participation au

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
C
Alors celui-ci pour le coup, moi j'ai pas du tout aimé. Intriguée pendant une cinquantaine de pages, je me suis vite trouvée en overdose de L ceci, L cela, et moi moi moi moi comme tu dis... Mais mon cerveau n'était pas retourné à la fin. Juste arnaqué. Essaye plutôt La Contrevie de Philip Roth, dans le genre exercice de style, c'est de la haute voltige. Pas comme Mary Higgins de Vigan.
Répondre
L
Je vais googeliser ce titre de ce pas ;-)
D
Curieux, j'ai posté un commentaire qui n'apparaît pas... En bref, j'y disais que j'avais adoré ce roman ET ton billet !
Répondre
L
Merci <3
J
Waouh, quel billet ! Le "roman" est dans ma pal car j'avais adoré "Rien ne s'oppose à la nuit" .... <br /> Après t'avoir lue, je suis vraiment intriguée ....:)
Répondre
J
Dernière page refermée ...... J'ai beaucoup aimé ....les réflexions sur l'écriture, les lecteurs, le fictionnel ou le vécu, les dernières pages avec les références des épisodes racontés par L, l'écriture de l'auteure et son "jeu" avec moi, lectrice .....mais ... si ce livre est une réussite à ce niveau, il ne me laissera pas un "grand" souvenir ...
L
Je me réjouis de voir de quel côté ton avis va pencher : coup de cœur absolu comme beaucoup ou bien...
L
Ah ah ah, tu es folle, mais j'ai bien ri en lisant ton billet ! :D<br /> <br /> Eh oui, l'ado a raison, un exercice de style, oui, mais aussi un pied de nez à tous ses détracteurs. Moijdi, elle est forte.
Répondre
L
Folle? :p
J
"D'APRÈS UNE HISTOIRE VRAIE",DDV => "AVANT UNE BELLE CRITIQUE", LA FÉE LIT. Bel exercice de voltige réussi de bout en bout. "Je suis une vérité qui dit toujours le mensonge", Jo Coctant.
Répondre
L
Merci pour ces gentils mots :-)
A
Mon libraire vient juste de me dire qu'il fallait le lire. Que publié ailleurs que chez Lattès, il aurait le Goncourt. Elle vient bientôt dans ma librairie.
Répondre
L
Elle peut encore l'avoir, le prix, leurs critères sont tellement obscurs^^