La Fée Lit

"Quand je pense à tous les livres qu'il me reste à lire, j'ai la certitude d'être encore heureux" (Jules Renard)

"Seuls les vautours", Nicolas Zeimet

"Seuls les vautours", Nicolas Zeimet

"Elle ne dirait rien, non plus, sur le fait que le destin n'est rien d'autre que la part de bonheur ou de malheur, le lot de fortune ou d'infortune, qui échoit à chacun à la naissance, et que la vie distribue ses cartes au hasard."

Dans une petite bourgarde de l'Utah, un soir de l'année 1985, une fillette de cinq ans disparaît brutalement. Toute la communauté se mobilise: les quelques policiers du poste local mais aussi le médecin, un journaliste mais aussi les enfants du village. Des enfants qui ont l'imagination fertile et qui racontent d'étranges histoires. En suivant les destins croisés d'une dizaine de personnages, l'enquête progresse, les haines et les attirances se cristallisent alors que des découvertes bien réelles mènent à des événements qu'on croyait définitivement sortis des mémoires. Certains, en tous cas, auraient bien voulu les oublier.

Ecrire un roman qui se passe dans le trou du c*l du monde de l'Utah ( Duncan's Creek) (Rassurez-moi, vous aussi vous vous surprenez à chanter à ceci? (et oui, encore, et non, je ne suis pas monomaniaque)), en 1985, dans cette préhistoire qui ne connaisait ni Internet, ni Les Experts  (et les flics pequenauts du coin auraient bien eu besoin de Grissom et son équipe, croyez-moi) , en se réclamant officiellement de Mister (The) King, quand on est un jeune (et mignon (faites pas vos mijoles, je sais que c'est le genre d'info qui vous plaisent. Facebook est votre ami, les filles)) auteur français, c' est ce que l'on appelle avoir des coucougnettes, non? (c'est moi où cette phrase est interminable?) Pari risqué donc, vous l'avez compris, mais pari réussi? Nicolas (tu permets que je te tutoies?), franchement,

Derrière cette couverture peu attirante (il faut bien l'avouer)(celle du grand format était bien plus jolie, la preuve ici) se cache une petite pépite de roman noir, un de ceux qui prennent leur temps pour mettre les choses en place, mais qui vous serrent dans leurs griffes (les vautours, tout ça, admirez le choix de la métaphore ) au point de parfois vous empêcher de respirer (c'est lent, mais c'est noir, très très noir, bien plus encore ce que vous allez imaginer au fil des pages, vous serez surpris jusqu'à la fin, foi de LaFée!).

Endroit paumé, petite communauté, Etats-Unis, le lien avec Le King est assez évident et assumé (comme en témoigne l'épigraphe), et ce fut un réel plaisir d'être plongée dans cette atmosphère particulière, matinée d'un soupçon de surnaturel (léger, hein, vous savez combien je ne suis fan de ce genre de truc). Bienvenue à Ploucland, les amis!  Des mormons, des langues de vipères, des gamins à l'imagination débordante, des secrets, des regards en coin, des amours cachées, des tarés vraiment bien barrés, un savant mélange des Goonies (années 80, rappellez-vous!), de Gossip girl (pour les potins) et de Deseperate Housewifes (itou), avec un chouia de Joe l'Indien (voir ici pour la musique d'ambiance), voilà de quoi intriguer les moins curieux d'entre vous, non? Plus qu'un roman "à suspense" (mais qui a donc bien pu enlever cette pauvre enfant? et pourquoi? va-t-on la retrouver?), Seuls les Vautours est un roman d'ambiance, rempli de mystère et de légendes, qui met le doigt pile là où ça fait mal et qui l'enfonce bien profondément. Mensonges, trahisons, secrets : le quotidien de toutes les petites communautés rurales, je présume ?

La grande force de ce texte, outre la peinture de l'Amérique profonde (on dirait parfois un épisode de Docteur Quinn, femme médecin (oui, je sais, ce n'est pas la bonne époque, mais quand même)  mélangé à l'aspect vintage de Cold Case) (décidemment, je ne suis pas avare de comparaisons, cette fois-ci ) (ni de parenthèses) (coucou Cess), ce sont ses personnages. Tout le monde est là, du policier pas vraiment ripou-mais-quand-même-borderline aux bigotes à l'affût du moindre potin, du vieux médecin philanthrope à son complice vieil ami (noir, évidemment), de la jeune oie blanche folle amoureuse et son preu chevalier pas tout net à la belle fraîchement arrivée dans le coin et qui cache de lourds secrets, ils sont venus, ils sont tous là (je ne vous fais pas l'offense de vous mettre le lien musical, si? Allez, pour les incultes, alors, cliquez ici). Mais surtout il y a ces fameux Goonies, ces gamins nourris aux chamallows et aux histoires qui font peur que l'on se raconte sur un ponton, tard le soir, de préférence par une nuit de pleine lune (la Gorge du Diable, j'en frissonne encore!), et il y a Jack (oui, encore un!), Jack qui a eu, pendant toute ma lecture, le visage du jeune River Phoenix de Stand By Me (voir ici) (Ceci est un vrai billet interactif, dites donc!), Jack qui est à lui seul tout ce que j'aime trouver dans un personnage de roman .

Si je voulais pinailler (pourtant vous savez que ce n'est pas du tout mon genre...), je vous dirais qu'une chose, tout de même, m'a un peu dérangée. Ce ne sont ni les coïncidences un peu grossières, ni les clichés parfois bien ancrés, non, c'est un tic du narrateur (ou de l'auteur?) : très trop souvent, il se la pèteun peu, il nous montre qu'il sait déjà ce qui va se passer (genre "moi je sais, et, ô pauvres personnages, vous allez voir ce qui va encore vous tomber dessus"), il anticipe sans trop en dire : il était loin de s'imaginer que les événements du lendemain allaient apporter une réponse radicale à son cas de conscience, par exemple. Un fois, ça va. Trop, bah, ça devient lourd. Mais c'est un tout riquiqui bémol de rien du tout, promis!

Je ne résiste pas à l'envie de terminer cette chronique par une private joke

Quoi? Vous voulez savoir ce que Spock fait là? Lisez le livre, et vous verrez .

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J
Un billet alléchant : l'Amérique profonde, les personnages, les secrets .... Tout cela me tente ... Puis j'ai envie de rencontrer Jack ......et de découvrir la raison d'être de Spock .....:)
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L
Je pense que tu pourrais l aimer, Jacqueline :-)
S
Bonsoir, <br /> <br /> Maître King fait souvent (mais le fait bien), le coup de l'anticipation, mais lui ça ne fait pas auteur-qui-se-la-pète, mais auteur-sadique-qui-te-dit-déjà-que-tu-ne-verras-plus-Bidule-vivant.<br /> <br /> Bref : Stand by me, Goonies... tu me tentes bien, là :-)
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L
Je n ai pas lu énormément de Maître King, du coup je n ai pas fait le lien. C est donc peut-être plus un hommage qu un tic... Merci pour ton passage ici!