"Quand je pense à tous les livres qu'il me reste à lire, j'ai la certitude d'être encore heureux" (Jules Renard)
12 Janvier 2015
Ce qui va suivre est vraiment vilain, vilain, vilain, n'engage que moi et comporte des spoilers!
Recette du roman qui plaira à tout le monde ( sauf deux)
- Choisissez un titre intriguant, même si l'explication de celui-ci s'avérera bête comme chou. Faites en sorte que vos lecteurs s'interrogent d'emblée ( Héloïse est chauve? Ah bon? Elle a un cancer? C'est un bébé? Elle souffre d'une maladie rare? Mais qui est Héloïse? etc etc).
- Faites le choix d'une image de couverture attrayante, colorée, jolie, même, genre une jeune fille en robe rose au milieu de pommes. Quoi? Aucun rapport avec l'histoire, ou presque? Ne vous arrêtez pas à ce genre de détails, voyons!
- N'oubliez pas que vous devez plaire à un lectorat le plus large possible. Pour ce faire, n'hésitez pas à multiplier les styles, les gens finiront toujours par trouver leur bonheur. Alternez les phrases de quatre pages avec celles de quatre mots. Usez et abusez des répétitions, c'est tendance, tout comme un début quasi incompréhensible (mais de qui on parle, là? mais c'est qui? quoi? m'enfin!) qui ferrera à coup sûr ceux qui tenteront de lire votre prose.
- Niveau contenu, jouez-la subtil. Ce qui marche à coup sûr, c'est le sexe. Mais attention, depuis 50 nuances de Grey, la barre est très haute. A vous de vous différencier. Comment? Mais, par exemple, avec un mélange gerbant de Nabokov à la sauce vulgos, une pointe de pseudo-inceste mixée avec Héloïse (héhé!) et Abélard (le côté intello en moins, évidemment). Attention à ne pas surfer sur la vague trop longtemps, tout de même, rendez les choses un peu plus acceptables au bout d'un temps. Un p'tit mariage alors, ou un bébé, ou une super teuf où tout le monde tombe dans les bras les uns des autres, vous voyez le genre? Vous dites? Quarante ans d'écart ça reste quarante ans d'écart? Bah oui, c'est vrai. Mais en même temps, c'est tellement n'importe quoi beau dès le début, votre truc, avec ce bébé de cinq mois qui tombe éperdument amoureuse d'un homme en lui suçant le doigt...
- Le cul pour le cul, ça ne suffit pas à faire un grand roman. Non, il faut de la tension, de l'émotion, du dramatique. L'Histoire est votre amie. Qui résiste à une évocation des camps de concentration? Personne. Allez, hop, une ou deux pages consacrées aux chambres à gaz et le tour est joué. Pour assurer vos arrières, pensez au onze septembre. Easy, non, de faire en sorte qu'une vague connaissance d'un ami de la cousine de votre héroïne se trouve dans une des deux tours? Il étaient tellement nombreux là-dedans....
- Problèmes de société. Toujours bien d'en aborder quelques uns, comme ça, mine de rien. La peine de mort, l'avortement, les femmes battues ont la côte, mais allez-y mollo, hein, ne creusez pas, vous risqueriez de plomber l'ambiance. Une réflexion de temps en temps, à pouf, ça suffira.
Si vous suivez mes conseils à la lettre, vous aurez Héloïse est chauve, vous aurez donc une
Oui, c'est bon, je sais ce que vous allez dire : c'est peut-être moi le problème. Ca doit l'être, en effet. Sainte-La-Fée-de-la-Pudibonderie. Mon côté vieille France, sans doute, mon éducation chez les bonnes sœurs, tout ce que vous voulez. Mais moi, ce livre, franchement, je n'ai pas pu. La première partie, celle où une gamine de treize ans taille une pipe et (je cite) lèche le trou du cul d'un homme de cinquante-trois ans, je n'ai pas trouvé ça culotté, ou percutant ou délicieusement tendancieux, j'ai trouvé ça dégeulasse et
Partout je lis que c'est une formidable histoire d'amour. Que c'est cru (sans rire?) mais tellement profond, tellement osé, tellement.... tellement rien du tout, oui. Bien sûr que la seconde partie est censée réconforter les âmes prudes comme la mienne, bien sûr que Lawrence est touchant avec sa mèche de cheveux, que ça fleure bon l'Amour Fou par endroits, et que, et que, et que. Mais comme le dit un des personnages, moi, j'aurais honte d'avoir baisé la fille, la mère, la tante et la grand-mère. C'est trop, tout le temps, et à la fois pas assez. Ce n'est pas saisissant, c'est tremblotant, hésitant, mais pas de façon touchante, juste de façon agaçante, et gerbante ( eh oui! Le retour des "-ant", on ne se refait pas! ).