"Quand je pense à tous les livres qu'il me reste à lire, j'ai la certitude d'être encore heureux" (Jules Renard)
23 Février 2014
"Qu'y a-t-il donc de si magique dans l'enfance pour qu'ils essaient à toute force de la recréer? Moi, je ne vois rien de magique là-dedans".
Disons les choses clairement, ça vous évitera peut-être de perdre votre temps vous qui vous égarez ici à la recherche d'un avis éclairé sur le roman d'Abbott. Je crois que je suis une vieille frustrée coincée, héritage sans doute de mon éducation dans une école de bonnes sœurs, de bénédictines charmantes et accueillantes. J'ai vraiment vraiment vraiment été dérangée par la lecture de ce que tout le monde qualifie de "meilleur Abbott", et je suis presque choquée de lire tous ces éloges un peu partout. Ce roman salué par toute la blogosphère, dont les critiques sont unanimement positives, ce roman m'a donné la nausée. J'avais envie de savoir jusqu' au l'auteur pouvait aller, et croyez-moi, je n'ai pas été déçue du voyage. Dégoût et fascination se sont mêlés et entremêlés au fil de ma lecture, j'en sors secouée, c'est évident, mais aussi terriblement dérangée.
Lizzie et Evie, treize ans, sont inséparables. Elles partagent tout, de leurs maillots de bain à leurs crosses de hockey. Pour Lizzie, la maison des Verver est le paradis sur terre, le père d’Evie, si chaleureux et charismatique, et sa sœur aînée, Dusty, tellement fascinante. Un jour, Evie disparaît à la sortie des cours. Peu d’indices, sinon une voiture que Lizzie a aperçue. L’angoisse gagne rapidement cette tranquille communauté et tout le monde se tourne vers l’adolescente. Hantée par la disparition d'Evie, émoustillée par la place centrale qu'elle occupe dans les recherches, Lizzie découvre qu'elle est loin de tout savoir sur sa meilleure amie...
Ce n'est pas un roman policier à proprement parler, on ne suit que de loin l'enquête sur la disparition d'Evie, elle est accessoire, au fond, tant la dissection( presque au sens littéral du terme, brr) de la psychologie adolescente prend le pas sur le reste. On est Lizzie, dès le départ, puisque c'est elle qui nous raconte l'histoire, dans une narration interne intelligente mais étouffante. C'est un des points forts de ce roman, c'est une évidence. Une plongée en apnée dans la tête d'une toute jeune fille, ses attitudes presque enfantines, ce désir touchant d'être aimée par ce père qui n'est pas le sien mais qui représente tout ce qu'elle met sous le mot "paternité", ses "à la vie à la mort, croix de bois, croix de fer, sœurs de sang ", tout ça, tout ce qui fait qu'à 13 ans, on croit plus fort en l'amitié qu'en tout autre chose. Quand Evie disparait, c'est le monde de Lizzie qui s'écroule, ni plus ni moins, et ça ne peut qu'éveiller quelque chose en chacun d'entre nous: on est touché, presque ému. Abbott ne s'arrête pas là, non, ce serait trop mièvre, trop gnangnan-culcul- ridicule pour elle. Comme dans Vilaines filles, c'est le côté obscur ( oui oui comme dans cette vieille chanson, ne me remerciez pas, c'est cadeau) qui l'intéresse, la face cachée, les secrets inavouables qui refont surface. Et c'est là que l'adjectif dérangeant vient aux lèvres, en même temps que cette nausée déjà évoquée. C'est quand Evie se rapproche du papa de sa copine, quand une autre adolescente( remarquez l'effort pour ne pas spoiler) manipule l' Adulte, l'Homme, juste pour le plaisir d'éveiller en lui le désir, pour en jouer, tel un chat avec une souris, pour finalement l'abandonner quand le jeu ne l'intéresse plus. Le sexe est présent, partout, tout le temps, jamais évoqué, pourtant palpable, dans les non-dits et le sous-entendus ; ce que l'on imagine est malsain, terriblement malsain, et pourtant, on est encore loin du compte.... Le roman se termine par une dialogue quasi insoutenable, glauque, abject, terrible et lourd de sens. Et les adultes ne sont pas en reste, malheureusement. Ils trainent eux aussi une kyrielles de casseroles immondes ( on pourrait croire que j'essaie de placer un maximum de synonymes dans le moins de mots possible , mais c'est le roman qui veut ça: l'histoire importe tellement moins que le ressenti du lecteur. J'ai l'impression d'être tombée dans le piège d'Abbott, en fait, comme si ce qu'elle avait éveillé en moi était, justement, son but ultime, et je lui en veux presque d'avoir ce talent manifeste qui lui fait maintenir l'attention du lecteur d'une page à l'autre, alors que l'on n'a qu'une seule envie: se détacher du livre et respirer). Les adultes donc. Absents, ou transparents comme la famille de Lizzie, présents, trop présents, pernicieusement présents même Comme dans Vilaines filles, ce sont les hommes qui comptent, ces hommes dont on fait ce que l'on veut, ou qui font de nous ce qu'ils veulent, c'est selon. Mais dans les deux cas, croyez-moi, ça vous secoue. La fin de l' innocence, c'est le titre de la version française, et il ne me plait pas. The end of everything, plutôt, parce que je ne vois pas comment la vie peut continuer après "ça".....
Edit, après lecture de vos premières réactions. Je n'ai pas aimé, en effet. Mais c'est peut-être juste parce que j'ai une âme de Bisounours ou que je n'arrive pas à m'imaginer des fillettes de 13 ans aussi perverses et sombres, c'est tout. C'est un bon roman, bien fichu, avec un suspense tenu du début à la fin, sans temps morts, vraiment, c'est bien fichu. Juste pas pour moi.
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Jacqueline 25/02/2014 18:07
Jacqueline 26/02/2014 17:35
LaFée 26/02/2014 10:46
Lili 24/02/2014 09:10
LaFée 26/02/2014 10:46
Denis 23/02/2014 21:38
LaFée 26/02/2014 10:47
Denis 23/02/2014 22:14
Cajou 23/02/2014 21:58