22 Décembre 2013
« Il y a quelque chose de dangereux dans l’ennui des adolescentes »
Sur les conseils avisés de Cajou, je me suis lancée dans la lecture de Vilaines filles, un roman dérangeant et addictif qui met en scène de jeunes pom-pom girls détestables comme seules peuvent l’être les adolescentes. Addy et Beth sont inséparables depuis l’enfance, la capitaine et sa lieutenante, véritables stars de l’équipe, redoutées et admirées de toutes. Arrive un jour une nouvelle coach, Cléopâtre en sweat à capuche qui va bouleverser l’ordre établi de ce petit royaume bien organisé. Elle va, en effet, briser cette relation fusionnelle et un peu malsaine, séparer Abby de cette Beth qui l’emprisonne, mais pour l’entraîner dans un univers d’adultes, un univers perturbé par un mystérieux événement ….
L’intérêt majeur de ce roman réside, selon moi, dans l’incroyablement juste peinture du monde adolescent. Ces pom pom girls sont effroyables de méchanceté et, avouons le, délicieusement perverses. Le monde leur appartient, reines immergées dans un monde de médiocrité, prêtes à tout pour être reconnues et admirées. Voilà ce que les gens ne comprennent jamais : ils nous voient comme de jolies petites choses, laquées et brillantes, constellées de paillettes, et ils rigolent, ils se moquent ils s’excitent, ils passent à côté de tout. Vous voyez ces paillettes, ces poudres brillantes…Ce sont des peintures de guerre, des plumes et des griffes, un sacrifice humain. Provocation ? Sans doute, oui, mais pas seulement. Dans ce vase clos qu’est le lycée, ces filles sont des garces, capables de se dévorer entre elles pour obtenir la meilleure place, mais aussi capables de faire bloc, de se tenir les coudes et les genoux, de composer cette pyramide humaine (au sens propre et au sens figuré) qui fera leur succès. Jusqu’où iront-elles ? Mais jusqu’au bout, d’elles-mêmes et des autres, quitte à se soumettre à un régime drastique, quitte à ne plus tenir debout, quitte à être cassées, tant physiquement que moralement. Derrière cette mentalité de « winneuse » on devine leurs failles, leurs doutes, leurs faiblesses de petites filles qui ont grandi trop vite, qui se demandent où est passé ce monde, ce monde de quand on était enfant ? Elles sont terriblement touchantes, même cette Beth que l’on a envie de gifler, parce que l’adulte que nous sommes est capable de voir derrière la façade, la bravade, la grande gueule qui parle fort.
Qu’en est-il des adultes, me direz-vous ? Pour moi, c’est là que le bât blesse et que l’auteur tombe un peu (voire beaucoup) dans la caricature. Le personnage du " Coach" manque parfois de crédibilité, non pas dans son rôle professionnel (je ne connais le milieu des cheerleaders que par ce que j’en ai lu, mais sa représentation colle avec l’image que je m’en faisais, coach psychorigide et manipulatrice compris) mais dans son aspect « femme ». Qu’elle soit psychologiquement dérangée ne fait aucun doute, et participe même d’une certaine façon au plaisir de lecture, mais quelques unes de ses attitudes sont pour moi too much, au point de décrédibiliser le récit. Quant aux hommes…. C’est pour moi le vrai loupé du roman. Clichés, clichés, clichés. Après quelques recherches et lectures d'articles, j’ai bien compris que l’univers de M. Abbott était un univers de femmes, gynocrate ( ça existe, ça ?) à l’extrême et que les hommes y apparaissaient comme des pantins, dénués de tout esprit et de toute matière, souvent réduits à un corps (vous devinez aisément pourquoi, smileyquisifflote) ou à un rôle de faire- valoir. Pourquoi pas ? Mais ici….ça frise le ridicule. Entre le mari-absent-et-transparent, le jeune-acnéïque-proie-facile et les militaires-si-virils-avec-leur-uniforme, difficile de choisir le personnage masculin le plus pathétique du roman . Le récit aurait pourtant gagné en profondeur et en intensité si les hommes n'étaient pas réduits à de simples fantômes sans âme. Je n’ai d'ailleurs éprouvé aucun curiosité pour le pseudo amant-chaud-boulette et ses mésaventures : comment s'intéresser à ce qui touche un personnage inintéressant? Même si cet évènement interfère dans l'intrigue principale et touche chacun des protagonistes du roman, il m’a semblé accessoire, presque inutile, tant la peinture de l’adolescence et de ses mystères se suffisait à elle-même.
Et en résumé, donc? Un bon moment de lecture, pas un grand moment, non, mais un roman agréable et une auteure à suivre pour moi :-)